Pour tracer l'histoire de la Société des Amis, nous devons remonter à plus de trois cents cinquante ans en arrière. Durant la période de la Réforme, quelques Chrétiens estimaient que les Réformés Protestants - Luther et Calvin - n'étaient pas revenus entièrement au Christianisme primitif. Ils créèrent un courant appelé " anabaptiste ".Ces Anabaptistes et leurs descendants modernes tels que les Mennonites formèrent l'aile gauche de la Réforme. En Angleterre, leurs équivalents se nomment " Quakers ".

L'Eglise d'Angleterre rejeta la juridiction spirituelle de l'Evêque de Rome mais l'élément puritain dans l'Anglicanisme rejeta la messe, les Images et cinq des sept Sacrements. Les Presbytériens se dispensèrent entièrement des Evêques, y compris les Evêques Anglicans. Les Congrégationalistes pensaient que le système Presbytérien restreignait la liberté et ils insistaient pour que la Congrégation restât autonome. Les Baptistes niaient la validité du Baptême des enfants et toute autre mode à l'exception de l'immersion totale. Finalement, les Quakers arrivèrent et rejetèrent ce qui restait de rituel tels que la seule autorité de la Bible et le Clergé professionnel.

George Fox (1624-1691) fonda la Société des Amis. Il était apprenti chez un cordonnier alors qu'il était tout jeune et avait reçu une courte éducation scolaire. Le cordonnier possédait des moutons et le jeune Fox fut pendant quelques années également un berger.

Le jeune homme devint de moins en moins en accord avec l'Eglise dont sa famille faisait partie. A l'âge de dix neuf ans, il n'assistait plus au Services de sa Paroisse. Il ne pouvait plus en supporter ni le prêche, ni le culte et était choqué par le style de vie du Clergé , particulièrement en ce qui concernait la boisson. C'est alors que Fox partit, allant de par les campagnes en quête d'une révélation religieuse, rendant visite aux prêtres Anglicans et aux Réformateurs de l'Eglise.

Durant quatre ans, Fox fut en quête d'un nouveau chemin. Il prit alors position contre la peine de mort et contre la guerre.

 

 

L'organisation de la Société des Amis est des plus simples, parce qu'elle ne reconnaît pas d'autorité qui ait le droit de dicter ou d'imposer une décision quelconque. Chaque groupe local est autonome. A plusieurs, ils constituent un groupe régional dit " Assemblée Mensuelle ". ces dernières se groupent, pour toute une grande région, en " Assemblées Trimestrielles ". Tous les groupes d'un pays forment une « Assemblée Générale Annuelle ». Les décisions d'une Assemblée ne valent que comme recommandations pour les autres. Néanmoins, ces décisions constituent un guide précieux pour les membres.

Pour devenir membre de la Société des Amis, le candidat adresse une demande à l'Assemblée Mensuelle de sa région. Celle-ci désigne deux Amis avec lesquels le candidat aura une conversation ; au cours de la réunion d'affaires suivante, on entend le rapport des deux visiteurs avant d'accepter ou de refuser le candidat. Il est d'ailleurs bien rare qu'on le refuse ! Beaucoup de sympathisants ont besoin d'une période d'attente assez longue avant de s'engager. Parfois ils n'osent pas demander à être membre, craignant de n'en pas être dignes. Je ne puis assez insister sur le fait que l'idéal quaker est un idéal ; la Société des Amis est un groupe humain, dont chaque membre reconnaît qu'il est loin d'atteindre la perfection.

Les Amis affirment qu'il y a en chaque être humain une étincelle divine, et que c'est à cette " Lumière intérieure " qu'il convient de s'adresser en chacun. Ils pensent donc que la violence, les punitions " enfoncent " les criminels dans leurs forfaits. Cette philosophie sous-tend le pacifisme des Amis depuis 350 ans.

En l'an 1660, la Société des Amis fit au roi Charles II la déclaration suivante :

Nous dénonçons absolument toutes guerres et luttes extérieures, ainsi que tous combats armés, tels qu'en soient les buts et les prétextes ; tel est notre témoignage devant le monde entier. L'Esprit du Christ qui est en nous ne varie pas et ne nous commande pas un jour de fuir une chose comme mauvaise pour nous pousser ensuite à la faire. Nous affirmons donc avec conviction, et nous proclamons devant le monde, que l'Esprit du Christ, qui ,nous conduit à la vérité, ne nous poussera jamais à nous battre ni à faire combattre aucun homme les armes à la main , ni pour le royaume du Christ ni pour celui de ce monde.

Le prix Nobel de la paix fut décerné conjointement en 1947 à l'Américain Friends Committee et au British Friends Service Council en appréciation des activités Quakers en faveur de la paix.

 

Les premiers Quakers connaissaient la Bible, la citaient fréquemment et trouvaient en elle des directives divines ; mais ils écoutaient également la Voix Intérieure, qui ne peut contredire les enseignements de la Bible. La Lumière Intérieure les aidait à comprendre la Bible et pour eux celle-ci ne fait autorité qu'après avoir été ainsi saisie. Elisabeth Fry, dont les efforts pour la réforme des prisons sont bien connus, lisait toujours la Bible avec les prisonnières qu'elle allait visiter.

Ajoutons que les Amis croient aussi que la révélation n'est pas terminée avec la Bible, mais continue à se faire.

Aujourd'hui comme par le passé, il y a en cette matière une complète liberté de pensée parmi les Amis. Certains parmi eux acceptent toutes les paroles de la Bible au sens littéral ; ce sont les " fondamentalistes ". D'autres étudient et acceptent les conclusions de la science moderne ; ils tiennent compte de la critique et proposent d'autres traductions. Ces deux extrêmes et tous les groupes intermédiaires peuvent coexister dans la Société parce qu'individuellement chaque Ami croit en la Lumière divine.

L'aspect de notre foi qui paraît le plus étrange aux autres chrétiens, c'est que nous n'ayons pas de cérémonies religieuses, et nous ne pratiquions ni la Communion ni le Baptême. Il serait plus exact de dire que nous ne pratiquons pas les sacrements extérieurs, parce que nous considérons que notre vie elle-même doit être un «  sacrement », continuellement vécue en présence et au service de Dieu. Un « sacrement » n'est pas une cérémonie ; c'est avant tout une vie. Nous pensons que l'authenticité des textes qui paraissent instituer des cérémonies est douteuse ; peut-être ont-ils été ajoutés plusieurs siècles après la rédaction des textes évangéliques. Les cérémonies sont en contradiction avec tout ce que nous savons de la vie et des méthodes de Jésus. Par ailleurs, nous pouvons constater que les Evangélistes eux-mêmes ne sont pas d'accord sur ce qui, d'après certains chrétiens, est essentiel pour les vrais disciples de Jésus. Par exemple, d'après Luc XXII, 19 la Cène est un souvenir ; pour Marc XIV, 22-25 c'est une anticipation. Dans Ephésiens IV, 5 il est question d'un seul baptême ; or Actes II, 1-4 parle d'un baptême de l'Esprit et Actes X, 47 d'un baptême d'eau.

Les Quakers ont le désir de vivre constamment dans la Lumière divine soutenus par la force qu'elle donne. Ils font tout leur possible pour que chacun de leurs actes soit dirigé par Dieu, mais il est évident que, de par leur nature humaine, ils n'y réussissent pas toujours. Dans l'idéal chaque culte pour être un sacrement et chaque repas une Communion.

En ce qui concerne le baptême, les Quakers ont l'habitude de présenter les enfants à Dieu et au groupe au cours d'une réunion de culte ; c'est, si l'on veut, un baptême spirituel en puissance. En un mot les Quakers ne pratiquent pas les sacrements extérieurs, ils tâchent par contre de vivre continuellement dans un esprit sacramental.

Dans le culte, hommes et femmes sont égaux, puisque tous possèdent personnellement et individuellement la Lumière ; tout le monde sans distinction peut lire un passage de la Bible, faire part d'une expérience ou apporter un témoignage, mais sous une forme spontanée, non préparée d'avance. Le culte a le silence pour base, il n'y a ni prête, ni pasteur qui officie, tout étant laissé à l'inspiration du moment. Il arrive parfois qu'un culte tout entier se passe en silence, mais ce silence n'est pas vide car chaque fidèle y cherche la présence et la direction divines.

Les Quakers n'ont pas d'églises ni de temples consacrés ; ils se réunissent dans une salle de culte qui parfois sert à d'autres usages. En dehors du culte dominical, des cultes spéciaux peuvent être tenus à l'occasion d'un mariage ou d'un enterrement.

 Les fiancés entourés de tous les Amis de leur Assemblée, se réunissent en présence de Dieu, toujours sans prêtre ni pasteur. Pendant le culte, au moment choisi par eux, ils échangent mutuellement leurs vœux de fidélité et d'amour ; en Angleterre, ce mariage est reconnu comme officiel et légal - En France, il doit évidemment être précédé du mariage civil.

 Un autre culte spécial peut se tenir à l'occasion d'un décès. Les Amis se réunissent près de la tombe ou dans la salle de culte, comme pour un culte ordinaire à base de silence. Il n'y a ni cérémonie, ni liturgie, mais uniquement des messages ou lectures spontanées évoquant le souvenir de la personne disparue.

 Les Amis ont aussi l'habitude de tenir les réunions concernant l'administration et l'organisation pratiques de leur Société, dans un esprit religieux comme s'il s'agissait d'une réunion de culte. Jamais ils ne votent ! Quand il n'y a pas unanimité, on a recours au silence pour chercher la décision la meilleure. Ce qu'il y a de merveilleux, c'est que même les questions les plus épineuses sont résolues de cette manière. En effet, quand l'unanimité n'arrive pas à se faire, les Amis reportent la question à un autre jour. Le Secrétaire, qui est en même temps président de séance, note aussitôt par écrit les décisions de l'assemblée qui, une fois acceptées par les membres, constituent le procès-verbal définitif. La méthode peut être lente, mais elle respecte les opinions de tous, même de la minorité. Depuis trois siècles, elle a donné et continué à donner de bons résultats. Un tel système est presque unique dans les annales des mouvements religieux.

Comme tous les vrais chrétiens, les Quakers tiennent à la mise en pratique de leur foi. Au début de ce mouvement et pendant deux siècles, ils portaient des vêtements extrêmement simples et sobres, qui les distinguaient de leurs concitoyens, ceci dans le but d'éviter tout luxe inutile et de pouvoir donner plus d'argent aux pauvres. Mais aujourd'hui, tout en maintenant le principe de sa simplicité, ils s'habillent comme tout le monde.

Au début les Quakers britanniques refusaient de prêter serment devant les tribunaux parce que disaient-ils, un disciple de Jésus devrait dire toujours et uniquement la vérité. Les premiers Quakers résonnaient ainsi : " Si devant le tribunal nous prêtons serment, c'est comme si nous reconnaissions que nous ne disons pas toujours la vérité, mais seulement en cette occasion ". Ce refus leur coûta cher ! On leur infligea des amendes, on les emprisonna, on les frappa ; les portes des universités leur étaient fermées, car tous les étudiants devaient jurer fidélité au roi. La fermeté des victimes força l'admiration des juges et, après plusieurs années de persécution, la loi fut modifiée. On permit aux Quakers d'affirmer dans jurer ; plus tard, la loi fut étendue à tous ceux qui refusaient de prêter serment même pour des raisons politiques. Ainsi, les Amis remportèrent-ils une victoire dont tous les habitants de Grande-Bretagne profitent de nos jours.

Au début l'impossibilité d'entrer dans les universités orienta les Quakers britanniques vers le négoce. En fait, c'était la seule façon qui leur fut laissée de gagner leur vie ; leur esprit de probité les amena à ne vendre qu'à des prix fixés à l'avance. Jamais ils ne marchandaient comme c'était alors la coutume et bientôt les clients comprirent que les Quakers étaient intègres. Il en résulta pour eux une grande prospérité qui se traduisit en dons généreux pour des œuvres philanthropiques.

Lorsque les clients partaient en voyage, ils prirent peu à peu l'habitude de laisser aux Quakers leurs objets de valeur en dépôt ; ce fut, en Grande-Bretagne, l'origine des banques, dont quelques-unes portent encore des noms quakers, bien qu'aujourd'hui elles ne soient plus dirigées par des Amis.

Georges Fox comprit bien que l'ignorance est la source de bien des maux et, dès le début, les Amis veillèrent à l'instruction des enfants et en particulier à l'enseignement relatif à la Bible. Actuellement notre Société anglaise compte plusieurs écoles dont la fondation est antérieure à celles des écoles publiques et obligatoires. Aujourd'hui ces écoles suivent de programmes officiels et leurs élèves obtiennent de bons résultats aux examens d'Etat ; en outre, les élèves y reçoivent une instruction religieuse et biblique générale et non sectaire. La plupart de ces écoles sont mixtes et les enfants y vivent comme dans une famille.

L'instruction des adultes n'est pas, non plus négligée et, bien avant que l'instruction ne fût obligatoire en Angleterre, on avait organisé pour eux des cours du soir ou du dimanche. George Fox, tonnant contre les mauvais prêtres, disait souvent : " Il ne suffit pas de faire des études à Oxford ou à Cambridge pour être ministre du Christ ". Il ajoutait naturellement qu'il faut que l'Esprit de Dieu inspire les sermons. Néanmoins, il ne négligeait pas l'étude de la Bible et actuellement notre Société possède à Woodbrooke, près de Birmingham, un collège pour adultes où peuvent venir étudier et méditer tous ceux qui ont le désir et le temps. Des bourses peuvent être obtenues en cas de besoin.

L'esclavage et les conditions déplorables des prisons furent parmi les premiers abus qui attirèrent l'attention des Quakers ; ceux-ci luttèrent de toutes leurs forces pour y remédier. Les réformes obtenues depuis lors en ces domaines comme en d'autres, doivent beaucoup à l'action des Amis. En outre, ils mirent sur pied quantité d’œuvres philanthropiques, telles que distribution de colis de vêtements, construction de logements et de villages pour les malheureux, en particulier pour les victimes des guerres.

En l'an 1660, la Société des Amis fit au roi Charles II la déclaration suivante :

« Nous dénonçons absolument toutes guerres et luttes extérieurs, ainsi que tous combats armés, quels qu'en soient le but ou les prétextes ; tel est notre témoignage devant le monde entier. ? L'Esprit du Christ qui est en nous ne varie pas et ne nous commande pas un jour de fuir une chose comme mauvaise pour nous pousser ensuite à le faire. Nous affirmons donc avec conviction et nous proclamons devant le monde, que l'Esprit du Christ, qui nous conduit à la Vérité, ne nous poussera jamais à nous battre ni à faire combattre aucun homme les armes à la main, ni pour le royaume du Christ ni pour celui de ce monde ».

Durant les siècles suivants on renouvela à plusieurs reprises cette profession de foi fondamentale de la Société, mais n'allez pas croire pour autant que le pacifisme soit un " dogme " pour les Quakers. Naturellement, car en cela aussi chacun a le droit et le devoir de décider pour soi-même. En Europe, on connaît surtout les Quakers à cause des secours qu'ils ont distribués après les guerres ; c'est pourquoi on voit surtout dans la Société des Amis une organisation philanthropique. Par contre, dans les pays anglo-saxons on entend souvent parler des Quakers, objecteurs de conscience, et c'est pourquoi on imagine que c'est une association pacifiste. Alors que l'une et l'autre de ces activités ne sont que la conséquence de la foi en la Lumière Intérieure qui est dans chaque être, la Société des Amis n'est ni uniquement philanthropique ni essentiellement pacifiste - elle est, avant tout, religieuse.

Avant l'introduction du service militaire obligatoire en Angleterre en 1916, les Quakers étaient libres, en temps de guerre, d'aller à l'étranger pour venir en aide aux deux camps adverses en soignant les malades et les blessés. Depuis la nouvelle loi, ils n'ont plus cette possibilité ; mais lorsqu'ils refusent de faire leur service militaire, la loi britannique se montre la plus compréhensible du monde et l'exemption des objecteurs de conscience soumise à un tribunal, peut être complète ou conditionnelle. Les objecteurs britanniques, quakers ou non, ont la possibilité de faire une période du service civil en replacement du service militaire. Ce service civil a pour but de venir en aide aux populations civiles ayant souffert de catastrophes naturelles ou de tout autre désastre.

Il est intéressant de noter que les décisions prises à l'unanimité dans les réunions d'affaires sont une application du pacifisme quaker, la majorité ne devant pas imposer sa volonté à la minorité, comme c'est la cas dans la guerre.

Ainsi les Quakers essaient de suivre la voie du pacifisme de Jésus, de ses Apôtres et des premiers chrétiens.